Rencontres d'été

Wakefields

Conservatoire à rayonnement régional de Poitiers
Conservatoire de Bordeaux
Fabrice Melquiot

Le Méta à invité le dramaturge, interprète, metteur en scène et pédagogue, Fabrice Melquiot pour mener un travail de jeu et d’écriture avec les classes préparatoires à l’enseignement supérieur théâtre des conservatoires à rayonnement régional de Poitiers et Bordeaux. Ce spectacle sera proposé au public dans le cadre des rencontres d’été.

 

Note d’intention – Fabrice Melquiot

 

En 1835, l’écrivain américain Nathaniel Hawthorne publie une nouvelle dans The New-England Magazine.

Wakefield raconte l’histoire d’un homme secret qui abandonne son foyer sans motivation avouée. Homme sans folie, surface lisse, cousin du Bartleby de Melville, rien ne distingue Wakefield des autres Londoniens. Mais un jour il prétend partir en voyage pour aller travailler à la campagne. Il promet qu’il reviendra trois ou quatre jours plus tard. C’est finalement vingt ans plus tard qu’il reviendra chez lui, sans livrer aucune explication à sa femme. Vingt ans durant lesquels il vit dans une rue voisine de son propre foyer, observant sa femme qui le pensera mort. Wakefield ignore pourquoi il agit ainsi, reportant inlassablement la date de son retour, se déguisant pour mieux épier le monde sans lui.

La nouvelle sera reprise en 1837 par Hawthorne dans le recueil Twice-Told Tales.

 

Pour répondre à l’invitation du Méta (Centre Dramatique National de Poitiers Nouvelle-Aquitaine) et des Conservatoires de Bordeaux et Poitiers, j’aimerais construire un texte fragmentaire pour 17 jeunes acteur.trice.s, inspiré de la nouvelle de Hawthorne, ainsi que d’un poème de Peter Gizzi extrait de L’Externationale (Éditions Corti), citant Wakefield :

 

Phantascope (1895)

 

Y a-t-il une carte pour Wakefield ?

Une potion pour les népenthes

Un son émettant

 

depuis les veilles de la pensée ?

J’ai tournoyé, laissé tomber des miettes,

passé des jours dans les archives.

 

J’ai capturé des lucioles à l’équinoxe,

secouru la gentiane des montagnes,

déchiré mes vêtements sur la place à midi.

 

La brume d’été apporte la musique

et des sentiments troubles avant le sommeil.

Un vieux dirigeable, des toiles d’araignée, une flûte.

 

 

J’ai transmis aux jeunes acteur.trice.s engagé.e.s dans le projet une série de questions. Les voici :

  • Trois mots pour lesquels vous avez une affection particulière.
  • Trois paysages, traversés ou fantasmés, avec lesquels vous avez une histoire.
  • Trois personnages historiques. Pourquoi ceux-là ?
  • Trois poètes. Pourquoi ceux-là ?
  • Un poème en particulier.
  • Le geste le plus fou que vous ayez accompli, le plus sauvage, le plus déraisonnable.
  • Un échec cuisant.
  • Une grande victoire.
  • Votre vision de l’enfance.
  • Votre attente du théâtre.
  • Le personnage que vous rêvez d’interpréter un jour.
  • Que représente le 20ème siècle pour vous ?
  • De quoi sera fait le 21ème?

 

Le texte que j’écrirai s’inspirera également des réponses recueillies, comme de la personnalité des élèves avec lesquels je collaborerai.

 

A ce jour, j’imagine l’articulation suivante :

– 5 villes : Pompéi (Italie), Porto Covo (Portugal), Calais (France), Kamena Vourla (Grèce) et Pisco Elqui (Chili)

– 5 disparitions (5 personnages décident de disparaître, à la manière de Wakefield chez Hawthorne)

– 5 abandons (5 personnages sont livrés à eux-mêmes, comme la femme de Wakefield)

– 5 rencontres (à chaque disparition, une rencontre marquante)

– 1 narrateur.trice (la voix qui cherche à comprendre)

 

 

Dans chaque ville, un personnage quitte le foyer (un fils abandonne sa mère, un jeune homme abandonne son compagnon, une jeune femme abandonne son amant, une jeune femme abandonne son chien, un jeune père abandonne sa femme et leur bébé, par exemple).

Chaque enfui.e rencontrera quelqu’un sur sa route, avec lequel se nouera une relation plus ou moins durable.

Une voix fera lien entre les récits et les lieux géographiques ; comme celle de Hawthorne dans Wakefield, elle creusera les apparences, les non-dits, les silences, pour déchiffrer les intentions, les enjeux, les destinées.

Pièce chorale en deux mouvements de 30 minutes, Wakefields fera affleurer nos solitudes engourdies, nos ambitions sans boussole, notre besoin de déconner, au sens deleuzien du terme : dans « ce monde de châtiments énigmatiques et de fautes indéchiffrables » (Borges), il s’agit bien de sortir du sillon.

 

 

« Parmi la confusion apparente de notre monde mystérieux, les individus sont si bien ajustés à un système, et les systèmes les uns aux autres, et le tout ensemble, que, en s’effaçant un court instant, un homme s’expose au risque terrible de perdre sa place à jamais ».

Nathaniel Hawthorne, Wakefield

Complexe sportif M-A Le Fur (Gymnase C7)

jeudi16/06 à 17h30

Dans les Rencontres d'été